mardi 12 avril 2011

Cécile ou Noël contre Vie

 Au pays des songes, il est de coutume pour chaque enfant de recevoir à sa naissance un don des fées, un cadeau sous forme de talent qui le suivra toute sa vie.
Cependant, Il arrive que ces évènements joyeux tournent mal. On ne connaît déjà que trop la fameuse histoire de la Belle au bois dormant qui défraya la chronique en son temps.
On connaît cependant moins les petites histoires du quotidien, celles des gens ordinaires car elles sont reléguées d’office à la page des faits divers.  Pourtant, ce sont bien ces histoires qui font parfois les plus grands drames personnels comme les plus grands bonheurs.
L’histoire que je m’apprête à vous raconter est de celles-là, de ces histoires tristes et extraordinaires qui arrivent au commun des mortels et pas seulement aux têtes couronnées.

     Demoiselle Cécile est née en l’an deux du cycle du chaos.  C’est dans ce cycle que le pays des songes a subit ses plus grands changements et c’est pur cela qu’il s’appelle désormais « cycle du chaos ».
C’était une jolie petite fille aux joues roses et à la santé forte.  La petite, charmante comme un bouton de rose était issue d’une famille noble mais modeste, elle n’était ni princesse, ni servante. C’était une fille du milieu, une fille que rien ne prédestinait nécessairement à quoi que ce soit d’extraordinaire.
Bref, demoiselle Cécile était une petite fille comme il y en a tant d’autres et voici qu’emmaillotée serré dans ses langes de coton, elle attendait sa fée comme tous les bébés du pays des songes.
Malheureusement pour elle, Demoiselle Cécile était née un fort mauvais jour…

     Les choses étaient bien établies en ce temps là au pays des songes. Chaque fée était responsable d’enfants désignés par la patronne des fées. Elle recevait alors un calendrier avec la date de naissance des enfants qui lui étaient assignés, un jour un enfant, telle était la règle. C’était le travail des fées, c’était pourtant si simple…

     Pour  la petite Cécile, c’était la fée Vie qui devait lui offrir un don.  Or, si la fée Vie est parfois capable des plus beaux miracles on la sait aussi particulièrement capricieuse et versatile.
Ce jour là, Vie était de fort méchante humeur ce qui la rendait toujours bien vicieuse.
Encore aujourd’ hui, la Vie est un mystère et nul ne sait ce qui provoque ses sautes d’humeur. Certains la prétendent un peu bipolaire.
Toujours est-il que ce jour là, son pied gauche avait dû trouver le sol un peu plus vite que son pied droit.
Vie descendit les escaliers de sa petite maison et pointa un œil trouble ainsi qu’un doigt incertain sur son calendrier. Vie rouspéta, tempêta car elle n’avait aucune envie de souhaiter la bienvenue à cette Cécile inconnue, peut-être la centième Cécile de sa carrière de fée. Elle était fatiguée, elle avait froid et elle n’avait aucune envie de sortir de chez elle et pourtant elle y était obligée. Un jour, un enfant, c’était la règle.
Ainsi, Vie se rendit chez demoiselle Cécile, les cheveux hirsutes et la moue bougonne.
Elle se pencha au dessus du berceau et déclara bien fort :
«  Petite Cécile, je vois déjà dans tes grands yeux clairs que tu seras belle et grande et talentueuse aussi vais-je te faire un cadeau d’un autre ordre mais tout aussi précieux.  Cécile, je vais te donner  ce que je n’ai jamais eu, je vais te donner la liberté ! Chaque jour de ta vie ne seras que pour toi, tu n’auras jamais à t’occuper de qui que ce soit ! » Sur quoi, elle attrapa la machine à reproduction de Cécile et la cassa.

     Un cadeau fait de mauvaise grâce n’est jamais un cadeau réussit. Aussi, ce que Vie pensait sur le moment et dans toute sa mauvaise humeur être le meilleur des dons qu’elle eut jamais fait, se révéla pour la pauvre Cécile être la pire des malédictions.

     Cécile grandit sans trop comprendre la lourdeur de ce « don ». Elle s’épanouit dans l’insouciance et chaque jour n’était que pour elle.
Mais un jour, Cécile devint une femme et son instinct maternel se réveilla. Elle essaya d’avoir des enfants afin de partager avec d’autres le bonheur de ses jours et ne voyant aucun résultat, elle comprit. Elle comprit avec toute la violence des années le mauvais tour que la Vie lui avait joué.
Au début, elle se refusa de croire que le mal était absolu et elle alla voir avec sa machine à reproduction tout un tas de spécialistes qui l’observèrent sous toutes les coutures et tous les angles.  Il fallait oublier la pudeur, il fallait oublier la honte.
     Mais, ce qui est fait par les fées ne peut-être aussi facilement défait. Aussi, tous ces efforts furent-ils vains et l’on annonça à la pauvre Cécile que jamais-jamais, elle n’aurait d’enfant avec qui partager le bonheur de ses jours.
Cécile pleura longtemps. Une petite pierre d’aigreur commença à grossir dans son cœur et elle mura sa tristesse dans une forteresse de solitude.  Elle repoussa son fiancé et commença à comprendre à quel point ses jours ne serait tristement que pour elle.
A cette époque, elle faisait de longues promenades, s’asseyait sur les bancs et s’imaginait des années plus tard au même endroit vieille et seule et triste. Elle ne serait pas maman Cécile, elle serait tout au plus la vieille tantine Cécile, une tante une peu originale pour les enfants des ses sœurs.

      Mais rien n’est jamais fixe au pays des songes, parfois la chance s’en mêle. Si les choses ne peuvent facilement être défaites cela ne veut pas dire pour autant quelles sont forcément rédhibitoires…
D’autant plus que le chaos n’avait pas finit son cycle, tout pouvait encore arriver. Tout et même n’importe quoi…

     Un jour que CécileCécile pensa qu’elle devenait folle à force de solitude et secoua vivement la tête pour faire disparaître ces illusions.
C’est alors qu’elle entendit quelqu’un s’approcher .
« Mademoiselle, j’entends votre tristesse à des kilomètres à la ronde.  Que puis-je faire pour vous réchauffer le cœur? »
L’homme était jeune, plutôt séduisant, un brun de désinvolture dans le regard.
Cécile inspira profondément, elle était lasse et ne croyait pas que cet inconnu puisse quoi que ce soit à son problème.
«  Monsieur, je ne sais pas qui vous êtes mais je sais que vous ne pouvez rien pour moi. Mon cœur est lourd comme une montagne et froid comme le pôle nord et rien n’y fera. »
«  curieuse expression, il fait aussi froid au pôle sud qu’au pôle nord vous savez ? Et au moins au pôle nord, on s’amuse plutôt bien tandis qu’au pôle sud il n’y a rien ! »
Cécile ne comprenait rien aux élucubrations de cet inconnu mais elle s’en fichait pas mal, plus rien ne l’étonnait et tout l’indifférait.  Aussi ne répondit-elle pas.
«  Tony, je m’appelle Tony. »
«  Tony, vous sentez le pain d’épice. » répondit simplement Cécile comme si son prénom importait peu.
« Oui je sais, c’est à cause de cette nouvelle recette que je travaille avec mon équipe. »
«  Ah? Vous êtes dans la restauration? »…
Et une petite conversation banale s’instaura. Quand il fut temps de partir, l’inconnu se leva et déclara simplement :
« au revoir chère Cécile et à bientôt. » Cécile décolla ses yeux du spectacle de l’été qui décline mais avant qu’elle se retourne pour demander « comment connaissez vous mon nom? », Tony avait déjà disparu et l’odeur de pain d’épice avec.
Pour Cécile, à cet instant, cette rencontre n’avait pas changé sa vie mais ce qu’elle ignorait c’est que la petite pierre dans son cœur avait commencé à s’effriter.

     Cécile continua ses promenades et Tony apparaissait souvent, toujours sur le même banc. Elle le laissait venir et il lui parlait. Pas de grande conversation ni de grand discours mais il lui parlait de choses d’ailleurs qui lui faisaient penser à autre chose. Sans même qu’elle s’en aperçoive tout à fait, la présence de Tony lui devenait indispensable, sa forteresse de solitude tombait et sa petite pierre dans le cœur s’effritait.
 
       Pendant ce temps au pôle Nord…

« Ok, j’ai besoin de tous les responsables de secteurs! Je veux, les mécaniciens, les couturières, les lutins, les magiciens, les chargés de distributions, les contrôleurs qualités, je veux même les balayeurs, réunissez -moi tout le monde dans le grand hangar dans 2 heures! Le big boss nous a mis sur un gros dossier et il nous reste très peu de temps ! »
Le lutin en chef, Korri le grand  s’arrachait les cheveux pendant que sa secrétaire prenait note tout en boulottant des Lebkuchen.
Deux heures plus tard, tout le monde était amassé dans le grand hangar, curieux d’apprendre ce qu’il se passait.
Korri, essuyait frénétiquement son front transpirant tout en regardant sa montre. Big boss était en retard, il allait donc devoir faire l’annonce lui-même.
« Oyez, oyez !
Tony a trouvé sa mère Noël ! »
A cette annonce, fit écho des cris de joies. Korri poursuivit.
« Mais nous allons devoir redoubler d’efforts car malheureusement la demoiselle est bien triste et Tony veut lui offrir un cadeau bien spécial pour qu’elle croit à nouveau que tout est possible tant que Noël existe !
La fée Vie a brisé la machine à reproduction de demoiselle Cécile et il va nous falloir trouver le moyen d’en fabriquer une nouvelle ! Nous allons avoir besoin de tout le monde, toutes les idées petites ou grandes,  seront les bienvenues ! »
Partout dans le hangar on entendait des voies crier avec allégresse :
« la patron est amoureux, vive le patron ! »
«  pauvre Cécile ! Il faut l’aider ! »
« Oui ! Un défi ! C’est intéressant les défi ! »
Et aussitôt tout le petit peuple du Pôle Nord se mit en branle. Tous travaillèrent ensemble main dans la main. Partout, il y a avait des groupes de travail, des réflexions, des dessins. Les secrétaires apportaient du lait chaud à la cannelle, les ingénieurs conceptualisaient, les dessinateurs tiraient la langue pour s’appliquer sur leur feuille de papier… On demandait conseil à tout le monde et personne n’était en reste. La solidarité était grande mais c’est ainsi au Pôle Nord.
Rythmé par le son des cloches, des ciseaux qui coupent les rubans et  du pliage de papier de soie l’usine à cadeau du monde poursuivait son labeur incessant et faisait des heures supplémentaires pour  fabriquer à Cécile la plus belle surprise de son existence.  La chose n’était pas facile et le succès plus qu’incertain, on avait jamais fabriqué de machine à reproduction auparavant. Qu’importe, l’armée de lutins essayait de toutes ses forces.

      Le 25 décembre au pays des songes, quelques part sur un banc…

     Cécile emmitouflée dans son manteau d’hiver regardait la neige tomber sur le pays des songes. 
Ce matin quand elle s’était réveillée, elle avait regardé machinalement au pied du sapin mais rien ne l’y attendait. Qu’importe, aucun cadeau ne pouvait vraiment lui faire plaisir.
Elle se prépara et sortit dans l’espoir de voir Tony sur le banc, ça lui changerait les idées et lui ferait oublier que Noël n’est pas une période très heureuse pour elle. Noël est le moment du partage et Cécile n’avait ses jours que pour elle, tous ces jours, même Noël. Regarder les autres fêter la fête des enfants quand on ne peut en avoir, c’est bien difficile.  Cette année cependant, elle avait Tony et cela lui réchauffait un peu le cœur.
Elle s’était assise sur son banc désormais familier et elle attendait.
Il ne lui fit pas défaut, il arriva tout de rouge et blanc vêtu et sans la laisser parler il déclara :
« Désolé, je suis un peu en retard, je reviens juste de ma tournée, c’est long le tour du monde en une nuit ! Heureusement qu’il y a le décalage horaire sinon je ne sais pas comment je ferais ! Allez debout Cécile, aujourd’hui tu voyages, on va chercher ton cadeau ! Je vois que tu es chaudement habillée, c’est parfait ! »
Cécile ne comprenait rien mais se laissa faire sans vraiment savoir pourquoi. Il faut dire que Tony avait quelque chose de persuasif et de rassurant.
« ferme les yeux »
Cécile s’exécuta et se sentit soudain flotter, elle avait l’impression de s’endormir, lorsqu’elle r’ouvrit les yeux quel spectacle !
Il y avait un océan de glace. Tout scintillait comme du cristal au soleil. Il y avait aussi un énorme château tout décoré comme elle n’en avait jamais vu. Dans l’air, flottait des chants de Noël et l’odeur du pain d’épice. Ils pénétrèrent dans la court du château au centre de laquelle se trouvait un énorme sapin de Noël tout chargé des boules et de guirlandes.
Tony emmena Cécile au pied du sapin où reposait un tout petit paquet.
Tous les lutins, plus ou moins cachés derrière les fenêtres, les tentures, les poteaux en sucres d’orge ou les bancs en chocolat observaient, fébriles.
Sur le tout petit paquet était  inscrit le prénom « Cécile » en lettres d’or.
« Ouvre ! » lui dit simplement Tony.
Cécile défit le ruban et ouvrit le tout petit paquet. A l’intérieur se trouvait comme une boule de cristal très  fin, ciselé de magnifiques arabesques. A l’intérieur de cette boule, flottait comme une sorte de brume mais lorsque Cécile l’attrapa et qu’elle la regarda à la lumière, la brume se changea en images comme un tout petit film. Sur ce film, on voyait un graine germer et grandir pour devenir le plus solide et le plus beau des arbres, un If fort qui s’enracinait dans toute sa fierté. C’était si beau !
Tony reprit :
«  Cécile, ceci est mon royaume, je suis le patron de Noël et compagnie. Ce royaume, je t’offre de le partager avec moi car je t’aime. Sois ma mère Noël et je te promets le bonheur éternel. Plus de solitude Cécile, plus jamais ! »
Cécile leva les yeux, une larme coulait le long de sa joue.
«  Oui Tony, oui ! Je t’aimerais en retour et puisque je ne peux être maman, je serais pour un soir par an, la mère de tous les enfants du monde. »
Tony sourit, embrassa Cécile du plus long baiser de toute l’histoire des amoureux du pays des songes et dit :
« Qui a dit que tu ne pouvais pas être maman ? Première règle du Pôle Nord chère Mère Noël : RIEN N’EST IMPOSSIBLE ! »
A ce moment, les cloches du Pôle Nord se mirent à tintinnabuler de toute leur force, la boule de Crystal se brisa et toute la brume qu’elle contenait rentra dans la main de Cécile à travers sa peau. Cécile eut un frisson et elle sentit que quelque chose avait changé.
Dans son corps, une vie se formait, un petit if grandissait.
Alors tous les lutin du Pôle Nord sortirent de leur cachette en criant des « hourra! Hourra ! »
Encore une fois, Noël, la volonté et l’amour de tout un peuple de lutins imaginaires avaient triomphé. Le sort de la capricieuse fée Vie avait été rompu.

     Depuis, au Pôle Nord du pays des songes, un père Noël prénommé Tony et une mère Noël prénommée Cécile prépare le prochain noël des enfants du monde. Les usines s’activent, les lutins fabriquent, emballent, étiquettent et Korri le Grand se charge de former la relève,  le jeune Evan, prince du Pôle Nord, fils du père et de la  mère Noël.


Chérie Blossom.

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